Bienvenue aux “néobanques vertes”… mais attention au greenwashing !
Les annonces de lancement de “néobanques vertes” (Tomorrow, Helios, Green-got, Onlyone, etc.) se sont récemment multipliées (cf Les Echos et La Tribune). Ces articles se basent sur les déclarations de ces acteurs. Je vous propose d’abord de mettre en perspective leur apparition dans la transformation plus globale du secteur financier. Cette transformation vers un système plus vertueux et plus durable, sur laquelle tout le monde (au moins en paroles) s’accorde, et qu’ont initié depuis plus de 30 ans les banques éthiques. Nous verrons le rôle positif que peuvent jouer ces “néobanques vertes”. Puis nous irons creuser un peu plus leurs modèles, et découvriront pourquoi, aujourd’hui, ce sont surtout des exemples de greenwashing.
[Avertissement : je suis Directeur Financier de la Nef, et donc nécessairement biaisé sur des acteurs qui se positionnent sur un discours très proche de celui la Nef et les autres banques éthiques. Je suis bien entendu preneur de commentaires pour enrichir l’article et relever d’éventuelles erreurs ou nuances à apporter. Enfin, cet article est purement personnel et n’engage en rien la Nef.]
Les acteurs pionniers de la finance éthique ne suffiront pas à transformer notre système financier : les échéances sont trop courtes, les montants en jeu trop grands
Les banques éthiques ne financent que des projets à impact positif, et publient tous les prêts qu’elles font pour apporter une totale transparence à leurs épargnants. Elles militent depuis plus de 30 ans pour changer le système financier et économique vers une approche plus écologique et sociale (plus de détails ici)
Mais la plus grande banque éthique en Europe, Triodos, a 12 milliards de bilan. Les grands groupes français sont entre 1 000 et 2 000 milliards. La Nef a aujourd’hui un bilan dépassant les 600 millions d’euros. Même si elle est en très forte croissance (plus de 450 millions d’euros collectés entre 2016 et 2020), ce ne sera pas suffisant non plus.
Il faut donc transformer les gros acteurs en place.
D’abord par la réglementation, car ils ne bougeront pas sinon. L’autorégulation et les beaux discours, dans un contexte de pression actionnariale pour le rendement maximum, montrent chaque jour leurs limites. De nombreuses pistes de réglementation sont proposées, par Finance Watch par exemple.
Mais aussi en utilisant leur intérêt, celui de leurs dirigeants et actionnaires. Si de meilleures pratiques, reprises notamment aux acteurs de la finance éthique, leur permettent de conserver des parts de marché, de continuer à vendre ou d’avoir une meilleure image, ils bougeront.
Or l’offre bancaire des acteurs en place est aujourd’hui très peu différenciée. Les arguments sans cesse répétés sont le prix ou le niveau de l’expérience client, en particulier lié à sa digitalisation. Ce sont des caractéristiques facilement copiables. Parallèlement, la conscience citoyenne sur les enjeux sociaux et écologiques progresse fortement. Après l’alimentation biologique ou l’électricité issue de sources renouvelables, la banque devient un enjeu pour les pratiques de consommation des citoyens.
C’est ce qu’ont très bien compris les “néobanques vertes”. En reprenant la critique du système en place développée par les pionniers de la finance éthique et en proposant de nouvelles alternatives, ils provoquent davantage de couverture médiatique sur ces sujets essentiels mais peu mis en avant. Ils vont montrer dans le sillage des banques éthiques que des produits “verts” peuvent fonctionner commercialement, et donc éveiller l’intérêt des acteurs en place. Enfin, ils vont aiguilloner les banques éthiques actuelles, dont les offres sont aujourd’hui soit absentes soit insuffisantes. C’est donc a priori une bonne nouvelle pour la transformation du secteur financier.
Toutefois, ces acteurs sont aujourd’hui pris, à mon sens, en flagrant délit de greenwashing et de publicité mensongère. Ils entretiennent habilement la confusion sur leur activité. Simples courtiers revendant des comptes et cartes d’acteurs disposant eux d’un agrément bancaire, ils racontent qu’ils financent avec l’argent de leurs clients des projets à impact positif.
Nous verrons en détail (avec études de cas, bilans comptables et schémas à l’appui) comment réglementairement, comptablement et financièrement, ces promesses sont aujourd’hui trompeuses, et les “100% de votre argent va à des projets à impact positif” sont en réalité aujourd’hui plus proches des 4%... Leur modèle, en externalisant à leurs partenaires bancaires traditionnels l’activité à principale valeur ajoutée, le financement de projets, me semble très limité pour les défis actuels. Mais ils ont très certainement la capacité, et j’espère la volonté, d’aller plus loin que leurs premières annonces, afin de constituer de vrais acteurs de la finance éthique et contribuer à de vrais changements profonds de notre système. Nous en avons tous besoin, il y a de la place pour plusieurs acteurs qui doivent entretenir une saine émulation au bénéfice de l’intérêt général.
Comme pour le marché de l’électricité, l’émergence de ces acteurs devrait aboutir rapidement à un classement mené par les ONG vigilantes pour aider les citoyens à mieux se repérer entre les offres “vraiment vertes” et les autres.
Petite pub : Enercoop, cofondée par la Nef en 2003, est aujourd’hui classée 1ère sur les offres d’électricité “vraiment vertes”.
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Pour lire la suite de l’article détaillant le modèle des “néobanques vertes”, c’est par ici.